Selon lui, c’est un métier qui est en déclin. Tout d’abord parce que c’est un métier difficile qui est habituellement réservé aux zones de montagne. Ensuite parce que, il faut l’avouer, l’activité est peu rentable du fait qu’elle soit située en pleine zone AOP Comté. Il y a 35 ans, Jean-Luc était intéressé par cette activité. Même s’il avait suivi auparavant des études techniques, il voulait s’orienter vers l’agriculture. N’ayant aucune référence dans le milieu, il était impossible pour lui de se lancer dans l’élevage bovin. D’autant que c’était, à l’époque, les prémices des quotas laitiers qui effrayaient le monde agricole.
Il a donc décidé de créer une activité professionnelle dans l’élevage d’ovins. Le choix a surtout été calculé : le coût d’installation est moins important et le coût d’une brebis est nettement inférieur au coût d’une vache laitière. De plus, une seule année suffit pour voir naître une agnelle, l’élever, la faire saillir et la faire reproduire. Jean-Luc s’est donc lancé et en seulement quelques années, il a fait grandir son activité : il a élevé jusqu’à 260 brebis sur 45 hectares de terrain.
Aujourd’hui, les années le rattrapent… Et même s’il est épaulé par son épouse, Jean-Luc exploite seul son activité et comme il le dit lui-même : « je n’ai plus la force d’un jeune ! » Il n’est pas question de jours fériés, de jours de repos, ni même de vacances. Élever des moutons demande beaucoup d’investissement personnel. D’ailleurs, un éleveur vit avec ses bêtes, car il y a beaucoup de surveillance : « Ce sont des animaux hypersensibles. Vous pouvez perdre des bêtes en quelques heures si vous ne les surveillez pas. » Les
journées d’été sont donc rythmées par des visites de pâtures plusieurs fois dans la journée et des travaux de fenaisons comme tout agriculteur. Mais contrairement aux éleveurs de bovins, l’hiver est très intense car c’est la période d’agnelage. Il faut surveiller les brebis en permanence. « D’ailleurs, je dors avec ! Je vis à la bergerie pendant plusieurs mois. La production d’agneau est mon seul revenu, aussi je ne peux pas me permettre de manquer les accouchements et encore moins de perdre des brebis. Un savoir faire qui s’apprend à force d’en faire… »
Quel avenir pour un tel métier ? Jean-Luc reste sceptique mais ne regrette pas son choix : le grand air et la passion pour les animaux l’emportent. D’ailleurs, quand il entre dans la bergerie, le silence devient lourd, toutes les oreilles se redressent, les yeux sont rivés sur leur berger. « Chaque animal à sa personnalité. Certaines brebis sont affectueuses, d’autres, plus sauvages. À moi de bien m’en occuper et composer avec. C’est vraiment un métier passionnant mais il faudrait en fait que ce soit un complément d’activité. Là ça deviendrait intéressant. Sinon, pour s’en sortir, il faudrait au moins 400 brebis, et pour un éleveur seul ou en couple c’est beaucoup trop. » Aujourd’hui, Jean-Luc a réduit son activité à une centaine de bêtes pour pouvoir aller jusqu’à la retraite.
Propos recueillis par Sophie GARNIER